Le Golem by Gustav Meyrink

Le Golem by Gustav Meyrink

Auteur:Gustav Meyrink [Meyrink, Gustav]
La langue: fra
Format: epub
Tags: fiction
ISBN: 978-2-8247-0719-8
Éditeur: Bibebook
Publié: 1914-02-04T05:00:00+00:00


Chapitre 12

ANGOISSE

J’avais l’intention de prendre mon manteau, ma canne et d’aller dîner dans la petite auberge Zum alten Ungelt où tous les soirs Zwakh, Vrieslander et Prokop restaient jusque tard dans la nuit à se raconter des histoires insensées ; mais à peine étais-je entré chez moi que le projet tomba, comme si des mains m’avaient arraché un linge ou quelque chose que je portais sur moi.

Il y avait dans l’air une tension dont je ne m’expliquais pas la cause, mais qui existait néanmoins, quasi tangible, et se communiqua si violemment à moi qu’au bout de quelques secondes je ne savais plus par où commencer tant j’étais agité : allumer la lumière, fermer la porte derrière moi, m’asseoir, ou faire les cent pas.

Quelqu’un s’était-il glissé chez moi pendant mon absence ? Etait-ce l’angoisse d’un homme devant une apparition inopinée qui s’emparait de moi ? Wassertrum était-il caché là ? Je plongeai la main derrière les rideaux, ouvris l’armoire, jetai un coup d’œil dans la pièce contiguë : personne.

La cassette elle-même était à sa place, intacte. Ne valait-il pas mieux brûler les lettres afin d’être débarrassé à jamais de ce souci ? Je cherchai déjà la clé dans ma poche de gilet, mais fallait-il faire cela tout de suite ? J’avais encore le temps jusqu’au lendemain matin.

D’abord donner de la lumière ! Impossible de trouver les allumettes.

La porte était-elle verrouillée ? Je reculai de quelques pas. M’arrêtai de nouveau. Pourquoi soudain cette angoisse ?

Je voulus me reprocher ma lâcheté, mes pensées s’immobilisèrent. Au beau milieu de la phrase.

Une idée folle me vint brusquement à l’esprit : vite, vite, monter sur la table, empoigner un siège et assommer la « chose » qui rampait sur le sol, si… si elle s’approchait.

– Il n’y a personne ici, dis-je tout fort avec colère. Est-ce que tu as jamais eu peur dans ta vie ?

Rien à faire. L’air que je respirais devint subtil et coupant comme l’éther.

Si seulement j’avais vu quelque chose, n’importe quoi : fût-ce ce que l’on pouvait concevoir de plus horrible, la peur m’aurait quitté instantanément. Mais rien.

Je fouillai du regard les moindres recoins. Rien. Partout les objets bien connus : les meubles, la lampe, la gravure, l’horloge, vieux amis inanimés et fidèles. J’espérais qu’ils se métamorphoseraient sous mes yeux, me donnant la possibilité d’attribuer l’angoisse qui m’étranglait à une illusion des sens.

Même pas cela. Ils restaient obstinément semblables à eux-mêmes. Bien plus figés qu’il n’eût été naturel dans la pénombre ambiante.

« Ils sont soumis à la même contrainte que toi. Ils n’osent pas risquer le moindre mouvement », me dis-je.

Pourquoi l’horloge ne fait-elle plus tic-tac ? L’attente crispée avale tous les bruits.

Je secouai la table, tout étonné d’entendre ses craquements.

Si seulement le vent voulait siffler autour de la maison ! Même pas cela ! Ou le bois pétiller dans le poêle, le feu était éteint.

Et toujours, constamment, cette même attente dans l’air, ce guet effrayant, sans une pause, sans une lacune, comme l’écoulement de l’eau.

Cette tension inutile de tous mes sens prêts à bondir ! Je désespérai de pouvoir la supporter.



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